Le deal dont le montant reste secret a pris un an de retard mais le coup est parti. L'armateur breton Towt (Transoceanic Wind Transport), qui s'est fait connaître en transportant des marchandises à bord de vieux gréements, a annoncé aujourd'hui avoir passé commande d'un premier navire de commerce à propulsion vélique auprès du chantier naval finistérien Piriou. Lequel engrange son deuxième contrat en quelques semaines après celui du voilier ravitailleur de l'aventurier Jean-Louis Etienne signé avant Noël.
Le choix de Piriou n'étonnera pas grand monde. Le chantier de Concarneau est connu pour exceller dans la construction de « mouton à cinq pattes pour la marine marchande » comme le rappelle son directeur des ventes, Stéphane Burgaud.
Dans le cas présent, l'expression semble bien choisie. Croisement improbable entre un voilier et un cargo, le deux mâts, qui sera opéré par sept marins, mesurera 81 mètres de long et plus de 60 de haut pour une capacité d'emport de 1.100 tonnes de marchandises : soit environ vingt fois ce qu'embarquent les goélettes affrétées par Towt depuis 2011.
Propulsé à 90% du temps par le vent
Signe particulier ? Contrairement aux navires à propulsion mixte (vélique + thermique) qui arrivent sur le marché, lui sera propulsé à la voile 90% du temps, exception faite des manœuvres réalisées grâce à un moteur diesel de très faible puissance. De quoi revendiquer un bilan carbone exceptionnel. « Le gain en CO2 est phénoménal », insiste Stéphane Burgaud.
Quant à ses performances, elles seront bien supérieures à celles des goélettes d'antan, promet Alain Tobie, co-fondateur du cabinet d'architecture naval nantais H&T qui l'a conçu.
« Les technologies modernes permettent de créer un navire beaucoup plus efficace que les voiliers de transport de marchandises d'avant l'avènement des énergies fossiles, avec des matériaux plus durables, des voiles plus hautes et la mécanisation de la navigation, du chargement et du déchargement ».
Vers un changement d'échelle
Livrable à l'été 2023, le futur navire sera basé dans le port du Havre qui lui a consenti une diminution par deux des droits de port au nom de sa contribution à la décarbonation du transport maritime. Il devrait effectuer une vingtaine de rotations par an entre le premier port français, les Amériques, l'Afrique et la Chine (via le canal de Panama) qu'il ralliera en un peu plus de cinquante jours.
« Ce bateau va nous faire passer d'un artisanat quasi-anachronique à une échelle industrielle. Grâce à lui, on perce le plafond de verre qui va nous permettre d'adresser des entreprises qui ont besoin de transports plus massifs », se félicite Guillaume Le Grand, président de la compagnie.
Reste à trouver suffisamment de chargeurs prêts à payer « quelques dizaines de centimes de plus au kilo sur une transatlantique ». Guillaume Le Grand l'assure, les vents sont favorables. « Nos clients sont des gens rationnels qui lissent leurs incertitudes sur le prix du pétrole ».
Du reste, Towt a déjà signé des accords pluriannuels avec plusieurs groupes dont Pernod Ricard (pour le transport de champagne), le chocolatier Cemoi, l'importateur de café Belco ou encore la distillerie de rhum guadeloupéenne Longueteau. Des premiers gages de confiance qui permettent à Towt d'envisager la commande « d'au moins » trois sisterships à Piriou à horizon 2026.
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